En complément de la publication des actes de ce colloque, parus aux éditions Les Solitaires Intempestifs, nous vous proposons d’écouter ici les enregistrements audio des tables rondes et lectures.
Plus d’informations sur l’ouvrage Problématiques d’une œuvre.
Nouvelles écritures dramatiques : Jean-Luc Lagarce : problématiques d’une oeuvre
Pour la cinquième année, le TNS et l’UMB organisent un colloque portant, à nouveau, sur les écritures contemporaines, mais cette fois-ci sur un auteur français : Jean-Luc Lagarce, dont la pièce Nous, les héros, dans la mise en scène de Guillaume Vincent, est programmée en début de saison.
Il s’agit toujours de réunir artistes de la scène et universitaires, à partir de communications, tables rondes et lectures, autour de cette œuvre traduite dans de
nombreux pays, et très souvent montée en Europe. Quels enjeux de mise en scène, quelles inventions dramaturgiques, quel discours sur le monde ?
Programme
MERCREDI 18 OCTOBRE, APRES-MIDI
TNS, 1 avenue de la Marseillaise, Strasbourg - Salle Gignoux
> 14H – OUVERTURE DU COLLOQUE
- Stéphane BRAUNSCHWEIG, directeur du TNS
- Michel DENEKEN, chargé de mission à l’Action Culturelle de l’UMB
> 14H30 - Projection vidéo (1 min) du film Autoportrait réalisé par Jean-Luc
Lagarce
- Présentation de l’Année (…) Lagarce par Jacques Peigné,
directeur du projet
Ecoutez l’ouverture du colloque
> 14H45 – COMMUNICATIONS
- Jean-Pierre HAN, université de Paris III
« Jean-Luc Lagarce : un rendez-vous raté ? »
L’univers que crée chaque artiste authentique recèle sa propre temporalité. Cette temporalité s’accorde-t-elle avec la temporalité commune dans laquelle nous vivons tous ? Rien n’est moins sûr, tant le désaccord, l’incompréhension qui se font souvent jour dans les articles critiques concernant tel ou tel auteur, tel ou tel metteur en scène (Jean-Luc Lagarce cumulait ces deux fonctions) sont patents. Qu’en a-t-il été de la réception de son œuvre ? Fut-elle à ce point décalée (ou en avance sur son temps) que l’on ne la découvre véritablement qu’aujourd’hui ?…
- Georgeta MIRON, université de Grenoble III
« J’étais dans ma maison et j’attendais que "Godot" vienne, ou l’obstination d’attendre chez Beckett (En attendant Godot, 1953) et Lagarce (J’étais dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne, 1994) »
Attendre signifie se tenir en un lieu où quelqu’un doit venir, une chose arriver ou se produire et y rester jusqu’à cet événement et constitue à notre égard le lien entre Samuel Beckett et Jean-Luc Lagarce. L’attente se situe certainement sur l’axe du temps, ayant un début et une fin. Pour les deux dramaturges en question, dans les pièces invoquées, l’instant semble trop court et le segment temporel insuffisant pour identifier ses deux limites. Et alors, en attendant perpétuellement ce personnage absent, respectivement Godot et le jeune fils, qu’est-ce qu’on fait sur scène ? Toujours du théâtre ? Décidément, oui ! Mais un théâtre à part – je l’appellerai d’évocation et/ou d’invention. Les personnages se recréent dans leur mémoire ou s’imaginent un fils sans nom ou un Godot sans visage et s’obstinent à y croire. A partir de ces deux pièces mémorables, nous allons essayer de décrypter, en travaillant sur le mot et sa signification, les limites de ces attentes désespérantes et douloureuses, ainsi que leur rôle dans la dramaturgie contemporaine.
- Discussion - pause
> 16H15 – LECTURE
- Extraits de différents textes de Jean-Luc Lagarce par des comédiens du spectacle Nous, les héros à l’affiche au TNS
> 17H – TABLE RONDE
- « Mettre en scène les textes de Jean-Luc Lagarce, confrontation entre différentes générations de metteurs en scène »
Ecoutez la table ronde
Modération de Adèle CHANIOLLEAU, élève dramaturge à l’École
Supérieure d’Art Dramatique du TNS
Avec les metteurs en scène François BERREUR, Rodolphe DANA, Olivier Py, François RANCILLAC, Philippe SIREUIL
> 20H
- Représentation au TNS de Nous, les héros, mis en scène par Guillaume Vincent, ou de Illusions comiques de Olivier Py, pièce dédiée à Jean-Luc Lagarce
JEUDI 19 OCTOBRE, MATIN
TNS, 1 avenue de la Marseillaise, Strasbourg - Salle Gignoux
> 9H – COMMUNICATIONS
- Françoise HEULOT-PETIT, université d’Artois
« L’écriture de Jean-Luc Lagarce : de l’impossibilité de modifier
son histoire »
Les textes de Lagarce mettent souvent en scène des personnages qui revisitent leur passé. Le dialogue ne parvient à avancer que dans cette rumination incessante et cette volonté de préciser une histoire. Dès lors, le récit se propage, altérant l’avancée du temps, élargissant la présence-absence d’un hors-champ passé. Ce récit est intimement lié au processus de la reconnaissance, défini par Aristote comme « renversement qui fait passer de l’ignorance à la connaissance, révélant hostilité entre ceux qui sont désignés pour le bonheur ou le malheur ». Or ce processus est mis à mal quand l’identité fait défaut et que la définition de soi est toujours retardée. En nous appuyant essentiellement sur Le Pays Lointain, nous observerons les déraillements des mécanismes de reconnaissance, le rôle pour le lecteur-spectateur des indices d’identité, en nous attachant ensuite à la prolifération du récit et à sa construction interne afin de montrer comment l’impossible reconnaissance de soi dépend de la relation distendue qu’entretiennent les personnages de Lagarce, personnages qui semblent condamnés au monologue.
- Julie SERMON, université de Paris III et ENSATT de Lyon
« L’entre-deux lagarcien : le personnage en état d’incertitude »
Tout le théâtre de Jean-Luc Lagarce est placé sous le signe de l’entre-deux : entre-deux du drame et de sa mise en forme ; entre-deux de l’action et de sa (ré)citation ; entre-deux du désir de dire et de la quête du mot juste. En interrogeant le rapport qu’entretiennent les figures lagarciennes à la parole, à l’Autre, et à la représentation, nous verrons comment cette dramaturgie de l’effort, de l’aveu, du franc-jeu, met en scène des créatures au statut équivoque et à la présence incertaine, c’est-à-dire entre acteur et personnage. Les pièces principalement concernées sont : Vagues souvenirs de l’année de la peste, Retour à la citadelle, J’étais dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne et Le Pays lointain.
- Discussion - pause
> 10H30
- Projection d’extraits de la création Les Prétendants, mis en scène par Jean-Pierre VINCENT
film réalisé par Michèle Foucher, comédienne et universitaire (Paris III)
> 10H45 – TABLE RONDE
- « Jouer les textes de Jean-Luc Lagarce sous la direction de Jean-Luc Lagarce, Olivier Py et Jean-Pierre Vincent »
Modération de Jean-Pierre THIBAUDAT
Avec les comédiens François BERREUR, Christine JOLY, Gilles MOREL, Elizabeth MAZEV, Michèle FOUCHER
Ecoutez la table ronde
> 11H45
- Projection vidéo (50 min) du film Journal réalisé par Jean-Luc Lagarce
JEUDI 19 OCTOBRE, APRES-MIDI
Université de Strasbourg
> 14H30 – COMMUNICATIONS
- Françoise DUBOR, université de Poitiers
« Dramaturgie de la temporalité : stratégies et conséquences, dans
Nous, les héros et Le Pays lointain »
L’étude des temporalités dans ces deux pièces (dont la première comporte deux versions) permet d’abord de mettre à jour les tressages complexes et paradoxaux auxquels l’auteur se livre. La vertu structurante de la temporalité apparaît ensuite, propre à créer une logique dramatique qui semble avoir une influence directe sur la constitution de l’action, des personnages, des discours. J’aimerais prendre le parti de considérer dans ces pièces la temporalité comme une donnée première de la création dramatique (comme d’autres semblent partir de la constitution première de l’espace, et notamment de l’espace scénique), à titre d’hypothèse de travail, et envisager ses conséquences sur leur dramaticité, voire sur la dramaturgie que Lagarce parvient ainsi à élaborer.
- Peter VANTINE, University of Wisconsin-Madison (USA)
« Riez, riez, vous penserez plus tard ! : le comique et le métacomique
dans Nous, les héros »
Je propose d’examiner le comique dans cette œuvre, en prêtant une attention particulière à Nous, les héros. Divers éléments comiques tiennent une place importante dans ce théâtre, sans qu’on puisse appeler telle ou telle pièce une comédie pure ou une simple comédie. Cela soulève la question de la valeur clairement ou seulement potentiellement comique de certaines répliques, scènes et pièces. On peut trouver des exemples de comique physique et visuel, mais le comique lagarcien est essentiellement verbal. J’identifierai donc les procédés rhétoriques comiques (ou potentiellement comiques) les plus fréquents (ironie, parodie, hyperbole, répétition, paronomase, épanorthose, périphrase, etc.). Puis je proposerai quatre catégories générales du comique verbal chez Lagarce : le comique grossier (langage vulgaire, insultes) ; le comique social (gêne ou malaise social) ; le comique de l’absurde (prenant parfois des intonations philosophiques) ; le métacomique (exprimant ou provoquant une réaction critique vis-à-vis de la notion du comique, du rire, de la plaisanterie, du ridicule, etc.). L’analyse de cette dernière catégorie constituera la partie centrale de mon intervention : la récurrence des répliques métacomiques, dont Nous, les héros contient les plus élaborées, est l’aspect le plus frappant et le plus original du comique lagarcien. Le personnage de Madame Tschissik, pour citer un exemple, définit le comique théâtral, qu’elle oppose au risible et au ridicule. Dans cette pièce et à travers son œuvre, Lagarce attire systématiquement notre attention sur la notion du rire de façon à nous faire réfléchir sur sa fonction et son statut variables dans le théâtre, comme dans l’interaction humaine.
- Patrick LE BOEUF, Bibliothèque nationale de France
« L’écriture de Nous, les héros : un dialogue entre Kafka et Lagarce »
L’écriture de Nous, les héros, qui a débouché sur l’existence de deux versions distinctes de la pièce, s’est appuyée sur plusieurs œuvres sources. Le Malade imaginaire de Molière tout d’abord, dont la tournée de 1993-1994 a fourni à Jean-Luc Lagarce l’occasion d’écrire une nouvelle pièce, sur la vie faite d’errance d’une troupe de comédiens. Puis deux nouvelles et un roman de Franz Kafka, Joséphine la cantatrice ou le Peuple des souris, Préparatifs de noce à la campagne et Amerika, qui ont fourni respectivement à Lagarce le modèle des personnages de Joséphine, de Raban et de Karl. Enfin, et surtout, le Journal de Franz Kafka, dont Lagarce a utilisé la traduction française de Marthe Robert comme base textuelle de sa pièce. L’intervention cherche à préciser la nature des rapports textuels entre le Journal et Nous, les héros, et formule des hypothèses sur ce qui a pu pousser Lagarce à choisir ce texte comme support de sa propre création.
- Discussion - pause
> 17H – LECTURE
- Lecture d’extraits du Journal de Jean-Luc Lagarce à propos de Nous, les héros par Philippe GIRARD
Ecoutez la lecture
> 17H30 – TABLE RONDE
- Autour de la création de Nous, les héros mis en scène par Guillaume Vincent.
Modération de Chantal REGAIRAZ, chargée de l’information au TNS.
Avec Guillaume VINCENT, Marion STOUFFLET (dramaturge) et les comédiens du spectacle
Ecoutez la table ronde - Discussion
> 20H
- Représentation au TNS de Nous, les héros, mis en scène par Guillaume Vincent, ou de Illusions comiques de Olivier Py, pièce dédiée à Jean-Luc Lagarce
VENDREDI 20 OCTOBRE, MATIN
Université de Strasbourg
> 9H30 – COMMUNICATIONS
- Yannic MANCEL, université de Lille
« De Derniers remords… aux Solitaires intempestifs : esquisse d’une identité générationnelle » - Bruno TACKELS, universitaire et essayiste
« Jean-Luc Lagarce, philosophie au creux du plateau (l’exemple de Nous, les héros) »
L’hypothèse d’une position philosophique dans l’écriture de Jean-Luc Lagarce n’est pas simplement fortuite. Elle est même inscrite, enveloppée dans le geste initial de son écriture, puisqu’avant de se mettre sérieusement à la question « dramaturgique » (écriture d’une œuvre de théâtre), il s’est consacré à ce que l’on peut désigner comme une mise au point « dramaturgique » (cette fois au sens d’un décryptage philosophique de ce qui s’est joué sur les scènes de théâtre, dans l’histoire ancienne et récente). Ce travail a pris la forme concrète d’un travail philosophique de maîtrise, intitulé Théâtre et pouvoir en Occident, alors qu’il était encore étudiant. Un texte à la fois panoramique et non dénué de préoccupations systématiques, voire scolaires. Et pourtant, ce texte se lit en même temps comme un véritable filtre, qui permet d’éclairer sous un jour inédit ce qui se joue dans son écriture proprement théâtrale. Grâce à la lecture philosophique de ce texte philosophique, on saisit à quel point l’enjeu et la stratégie d’écriture de Lagarce répondent à un véritable questionnement théorique, dont il sent bien qu’il ne trouvera réponse que dans le passage à l’acte théâtral. Une clé sous forme de questions multiples, que nous mettrons à l’épreuve dans la pièce, Nous, les héros.
- Discussion - pause
> 11H – COMMUNICATIONS
- Marie-Isabelle BOULA DE MAREUIL, université de Paris III
« Rejouer "l’histoire d’avant" dans le théâtre de Jean-Luc Lagarce :
Les Serviteurs et Histoire d’amour (derniers chapitres) »
Les personnages des Serviteurs et de Histoire d’amour (derniers chapitres) de Jean-Luc Lagarce sont convoqués sur scène pour dire leur histoire, ou plus précisément l’histoire d’avant. La dramaturgie de ces pièces présente non seulement le retour des personnages sur leur passé, sur ce drame qui a déjà eu lieu, mais aussi une reconfiguration permanente de l’histoire. Si l’on considère les personnages de Lagarce
comme étant toujours déjà « empêtrés dans des histoires », pour reprendre l’expression de W. Schapp , ces pièces peuvent être lues comme un retour perpétuel sur le dire de l’histoire. Ainsi, ce n’est pas tant le contenu de l’histoire qui importe pour les protagonistes, mais bien la façon dont l’histoire doit être dite, écrite, jouée et réinterprétée. Car dire l’histoire et, à travers ce dire, se laisser jouer par le passé, c’est poser la question de la généalogie et de la facture même de cette histoire. Dans ces pièces, les personnages n’ont pas une identité mais reçoivent leur constitution des histoires qui les racontent. Cette étude propose de montrer comment, à travers ce jeu, les personnages se dédoublent, devenant successivement co-auteurs, narrateurs, témoins et acteurs de leur propre histoire.
> 12H
- Geneviève JOLLY, université de Strasbourg II
« En guise de conclusion : problématiques d’une œuvre »
Il ne s’agira pas tant de revenir sur les différentes communications et tables rondes, sous la forme d’une synthèse pouvant in fine souligner les grandes orientations de ce premier colloque sur l’œuvre de Jean-Luc Lagarce, voire faire apparaître les liens ou les divergences entre ces différentes interventions d’artistes et d’universitaires, que de lancer ou de proposer d’autres pistes de recherche que les prochains colloques pourront, à leur tour, explorer ou approfondir, et cela, à partir de plusieurs des pièces de cet auteur : par exemple, et dans l’attente de découvrir l’intégralité du contenu des interventions, le mouvement ou le rythme de la parole, l’importance du non-dit ou du hors-champ, et la question du point de vue ou de la perspective devenant (ou non) centrale dans les pièces.
- Discussion
Coordination :
Didier Juillard et Andrée Pascaud/TNS,
tél. 03 88 24 88 34 - public@tns.fr
Geneviève Jolly/UMB - jollyg@clubinternet.fr
Représentations de Nous, les héros au TNS (salle Gignoux) du 5 au 22 octobre 2006 et de Illusions comiques au TNS (salle Koltès) du 11 au 22 octobre 2006 (Réservations : 03 88 24 88 24)
l’ensemble des oeuvres de Jean-Luc Lagarce est édité aux éditions Les
Solitaires Intempestifs
Avec le soutien de l’Année (…) Lagarce
Avec la participation financière du Conseil Scientifique, de l’Équipe d’Accueil de l’UFR des Arts, de l’UFR des Lettres, de l’UMB, et de la DRAC Alsace.