Acte II
jan > juin 2007
Spectacles
reprise
du 14 au 16 février au Théâtre National de Bordeaux
Dédiée à Jean-Luc Lagarce, la pièce était pour Olivier Py l’occasion de sculpter une sorte de tombeau de Jean-Luc Lagarce, comme on le disait de ces textes qui, au grand siècle, servaient de mausolée littéraire à un homme disparu. Échappé à l’immortalité, il est un spectre qui revient comme reviennent les spectres au théâtre, paternel et exigeant.
Les Illusions comiques s’ouvrent sur un cauchemar en forme de farce ; le poète, « Moi-même », découvre avec ses camarades que le monde entier est soucieux de sa parole. Les journalistes, les politiques, les prélats, les marchands de mode, sont soudainement pris d’une épidémie d’amour du théâtre. Comme si la mort des -ismes avait en dernier recours ouvert une ère du théâtre, comme si l’humanité avouait qu’il est le seul outil de métaphysique, ou au contraire la seule manière d’échapper à la métaphysique, la seule manière de vivre dignement. Le poète résiste d’abord à cette position inconfortable de « la parole entendue », mais, pris de vertige et poussé par sa mère, accepte toutes les responsabilités du siècle. Il devient en quelques heures le prophète et le héros qui peut répondre à tous les désarrois du temps et à toutes les inquiétudes éternelles. Il sort de son rôle de contradicteur et d’exilé, il n’est plus excentrique, il est le centre. On remet dans ses mains le pouvoir suprême de changer le monde, on laisse son théâtre agir sur le réel et non plus sur le symbolique. Le pape lui-même vient lui demander conseil. Lui seul est à même de donner ce qui est plus précieux que l’égalité sociale, le sens de la vie. De leur côté, ses camarades comédiens Mademoiselle Mazev, Messieurs Fau, Girard, Balazuc, dans leurs propres rôles, restent dubitatifs sur ce succès planétaire de leur art et défendent que ce que le théâtre doit faire pour le monde, c’est du théâtre et du théâtre seulement.
"Il n’y avait pas pour Jean-Luc Lagarce une place pour le théâtre, toute la place était pour le théâtre. Le théâtre seul était son amitié dans l’agonie et dans le doute. Il n’a jamais cherché à le comprendre absolument, il s’est laissé éblouir par sa lumière, il a simplement célébré sa magie."
Olivier Py, décembre 2005